« Nous avons envie de construire un beau projet »

Avec une équipe fanion bien installée parmi les meilleures de la Division 2 française, avec un nombre de licenciés quasi record, l’ATH rayonne sur l’ensemble de son territoire à travers ses multiples champs d’action. État des lieux d’un club en mouvement avec Aurélien Duraffourg, son manager général, interrogé par Christine André.
–  Christine André: Un changement important a eu lieu cet été au club avec l’arrivée de Jan Basny comme entraîneur et vos nouvelles fonctions de manager général. Qu’est-ce qui avait motivé ce choix ?
Aurélien Duraffourg: C’est l’idée de progression du club et la préoccupation de Laurent (Astier, le président) de poursuivre sa professionnalisation entamée en 2014. Au niveau d’enjeux que représente la Division 2 française, la même personne ne pouvait pas à la fois entraîner et piloter le projet de développement du club. Nous avons considéré qu’il s’agissait de deux postes à part entière et je crois que l’on a bien fait. L’un concerne le sportif, le terrain, la performance de l’équipe #Elite et sa relation au secteur formation, l’autre étant aussi bien la caution sportive que celle du développement du club.
C.A.: Et ce développement n’est effectivement pas uniquement orienté vers l’équipe de D2…
– A.D.: Non, nous avons quatre piliers autour desquels se réfèrent le projet global ATH: la performance, la formation, l’éducation, tout en effectuant la promotion de la marque ATH, mais aussi du handball et du sport féminin.
Et il fallait quelqu’un de garant du développement de ces quatre axes. Un autre signe de cette professionnalisation entamée par le club est aussi l’arrivée de Julien (Agnellet) en tant que directeur administratif et financier, c’est un poste on ne peut plus important dans la construction de notre projet et dans l’écosystème du sport moderne.

“Il fallait quelqu’un avec l’expérience du haut niveau, car c’est la direction vers laquelle nous voulons aller.”

–  C.A.: Pour revenir au sportif, la venue d’un entraîneur du calibre de Jan Basny, sélectionneur de l’équipe nationale tchèque, est forcément un signe d’ambition…
– A.D.: Oui et, surtout, il correspondait à des critères que le club avait mis en avant. Et ce n’est pas si simple de trouver un entraîneur en adéquation avec son identité. Il fallait quelqu’un avec l’expérience du haut niveau, car c’est la direction vers laquelle nous voulons aller. Mais il fallait aussi attacher de l’importance aux valeurs humaines, car notre projet compétition est indissociable du projet global.
Ce respect des valeurs du club, de son histoire, de son territoire, est quelque chose d’essentiel.
Enfin, il fallait quelqu’un de capable de bonifier un groupe handballistiquement et dont la qualité de manager nous garantisse quelques victoires dans le money time. Ce qui a déjà été le cas cette saison, grâce à l’engagement des joueuses et à la dynamique apportée par Jan et son staff.
C.A.: Comment construisez-vous l’équipe, avec quelles priorités, quelle philosophie ?
– A.D.: C’est une stratégie qui se situe en parallèle de l’évolution du club. Lors de l’accession en D2 et jusqu’à la stabilisation à ce niveau, nous étions dans la stratégie du double projet, notamment pour permettre à des joueuses alsaciennes de revenir tout en pérennisant leur projet professionnel. Et nous avons toujours associé à cette dynamique le recrutement extérieur de joueuses au talent indéniable, tout en laissant la porte ouverte aux jeunes du club. Nous avons, depuis le début, essayé de cumuler ces trois profils.
Désormais, la D2 se professionnalise de plus en plus et commence un peu à mettre à mal cette stratégie de double projet. On s’oriente davantage vers le recrutement de joueuses professionnelles et ce sera encore plus vrai si on obtient le statut VAP (Voie d’Accession au Professionnalisme, il est nécessaire pour prétendre à la montée en D1), qui impose un taux de professionnalisation minimum. Notre volonté est de continuer à associer dans l’effectif de jeunes joueuses à fort potentiel, formées à l’ATH ou dans les clubs partenaires du territoire, d’où l’importance d’obtenir le maintien de notre équipe réserve en troisième division.
Nous travaillons ensemble pour ce recrutement, le club soumet à Jan des joueuses qui peuvent nous intéresser et si nous avons son aval, nous poursuivons les discussions.

“On est content que cette valeur-là transpire lorsque l’on vient chez nous, car c’est la principale raison de la réussite”

 

C.A.: Se maintenir en D2, personne n’y était arrivé en Alsace depuis plus de vingt ans, quelle est votre recette ?
– A.D.: On travaille. Cela semble ultra simple, mais il y a eu pas mal d’obstacles depuis 2018 pour y arriver et c’est le fruit d’un travail acharné. Et ça nous va bien. On est content que cette valeur-là transpire lorsque l’on vient chez nous, car c’est la principale raison de la réussite.
Il faut être capable d’unir les gens, de trouver un engouement commun. Nous avons un nombre de bénévoles particulièrement important, sans eux le club ne tournerait pas. C’est l’engagement des salariés ajouté à celui des bénévoles qui est précieux. Cette alchimie est indispensable!
Mais travailler sans expertise n’aurait pas de sens non plus, il faut avoir une vraie connaissance du milieu d’autant plus qu’il se professionnalise de plus en plus et que nos interlocuteurs sont de plus en plus nombreux.

“Faire de l’ATH Handball un club éligible à l’accession en Ligue Butagaz Energie..”

C.A.: Quelle va être l’étape suivante ?
– A.D.: Le développement de la partie performance et donc de postuler au statut VAP, ce qui ferait de l’ATH un club éligible à l’accession en Ligue Butagaz Energie. Laurent (Astier) et le Bureau directeur ont demandé aux salariés de tout mettre en place pour pouvoir déposer un dossier au mois de juin.
C.A.: Et c’est en bonne voie ?
– A.D.: On y travaille. Pour cela, il faudra arriver à faire évoluer trois curseurs en même temps.
Répondre au cahier des charges financier de la Fédération, c’est-à-dire augmenter le budget d’environ 100 000 euros. Pour le moment, tout compris, nous réalisons un budget légèrement supérieur à  600 000 euros pour l’ensemble des composantes du club. Pour répondre aux exigences, nous devrons atteindre les 700 000 euros
au plus vite, si possible dès la saison prochaine.
La deuxième étape est déjà bien engagée avec la professionnalisation administrative du club, nous sommes aujourd’hui sept salariés, en-dehors des joueuses.
Nous devrons également augmenter le taux de professionnalisation de nos joueuses en panachant peut-être entre des profils “pros” et ”semi-pros”, nous en sommes à deux et demie en ce moment, nous devrons arriver à sept. C’est une imposition de la Fédération Française de Handball pour obtenir le statut VAP, étape vers la Ligue Butagaz Energie.Enfin, en parallèle, nous continuons à cultiver un univers de performance autour de l’équipe première avec l’engagement d’un préparateur physique, Caroline Schoffit et d’un préparateur mental, Soufianne Moudni.
C.A.: Le championnat de D2 est en pleine progression, il est désormais vraiment l’antichambre du plus haut niveau…
– A.D.: C’est un championnat vraiment passionnant avec 14 équipes situées dans toute la France, qui alignent parmi les meilleures jeunes joueuses françaises, des professionnelles reconnues, avec des entraîneurs de qualité, des salles qui sont en train de s’améliorer, des moyens de diffusion des matches.
On sens que la discipline handball, à travers les résultats des équipes de France, infuse en D1, mais aussi en D2. Quand on vient voir un match à Truchtersheim, on a l’assurance de vivre un beau moment de sport de haut niveau et un spectacle de qualité.

“Nous disons ouvertement qu’il y a de la place pour du sport collectif féminin de haut niveau à Strasbourg, surtout du handball”

C.A.: Vous avec plusieurs fois évoqué la volonté de vous rapprocher de Strasbourg, où en sommes-nous ?
– A.D.: Il y a de notre côté une lucidité partagée par les partenaires publics, la Mairie de Truchtersheim et celle d’Achenheim, comme par les partenaires privés et les dirigeants de l’ATH. Il s’agit du constat que la progression de notre secteur performance se verrait renforcée, accélérée, aidée dans une association avec le territoire strasbourgeois. Et ce ne serait pas uniquement au bénéfice de l’ATH. Nous estimons aujourd’hui que pour jouer un rôle de locomotive en termes d’éducation et de formation au haut niveau sur notre territoire, on pourrait avoir besoin d’un écrin un peu plus grand.
Nous disons ouvertement qu’il y a de la place pour du sport collectif féminin de haut niveau à Strasbourg, surtout du handball. Et que le territoire strasbourgeois aurait tout intérêt à avoir une ou plusieurs locomotive pour développer des valeurs présentes dans le sport de haut niveau dans les domaines de l’éducation physique, de la santé, de l’alimentation, le sport pour tous…
Nous avons rempli notre part du contrat en structurant un projet global qui compte dans l’antichambre de l’Elite. Nous sommes prêts à y aller, à aider à ce développement  sans pour autant abandonner ce que l’on a construit. Nous pourrions, par exemple, jouer alternativement à Strasbourg et à Truchtersheim. La seule chose que nous ne pouvons pas faire, c’est forcer la main à la Ville de  Strasbourg et ses élu(e)s, mais j’espère que nous pourrons trouver un accord afin de proposer des choses au plus grand nombre. Nous allons en tout cas continuer à mener ces discussions avec tous les acteurs.
Nous allons d’ailleurs refaire une journée commune avec l’ASPTT Strasbourg à la Rotonde le 9 avril avec le derby de N1 entre l’ASPTT et l’ATH II suivi du match de D2 entre l’ATH et Cannes avec la volonté de réussir le pari de l’affluence.
C.A.: Vous avez la volonté, au-delà du handball, d’être un acteur actif de votre territoire…
– A.D.: Oui, nous avons effectivement cette volonté d’être un acteur actif de la vie de la “cité”, de notre territoire. Notamment dans les domaines de la formation, des joueuses, des entraîneurs, des arbitres, des bénévoles, mais aussi dans les thématiques de l’éducation par le sport, de la citoyenneté, du handicap, de l’écologie, de la mixité. Nous avons aussi un rôle à jouer dans les domaines de l’emploi et de l’insertion professionnelle.
Malgré cette période Covid, nous avons quasiment atteint les 400 licenciés, c’est notre niveau record depuis 2014. C’est le résultat de la volonté de Laurent (Astier) d’équilibrer tous les volets du club, du travail effectué durant cette période malgré le confinement imposé, et de l’engagement de nos éducatrices  sportives Camille (Weislinger), Morgane (Brassel) et Flavie (Scheppler), comme de tous les entraîneurs et bénévoles du club.
Je suis content que l’on devienne un acteur crédible du sport et de l’éducation sur notre territoire. Cela doit nous rendre fiers de qui nous sommes aujourd’hui.
C.A.: En interne, vous développez aussi de nouvelles idées, quelles sont-elles ?
– A.D.: Nous avons installé dans l’entrée du gymnase une charte avec dix principes à respecter en termes de développement durable, pour sensibiliser nos jeunes licenciés, pour contribuer à en faire de futurs citoyens respectueux. Nous avons aussi créé et offert un album Panini à tous les licenciés qui peuvent s’échanger les vignettes de toutes les équipes du club.Des stages vacances sont également organisés pour les enfants lors de tous les congés scolaires.Et potentiellement, nous allons aussi organiser avec le Comité la journée des écoles de handball, la nôtre bénéficie d’ailleurs du label “Argent” attribué par la Fédération. Notre structure est donc aussi reconnue comme étant de haut niveau dans l’accueil des enfants.
Cela démontre que notre projet est circulaire, pas vertical ou transversal, tout se développe en même temps.
Ce développement se déroule dans l’action mais également dans l’innovation. Le Salon de l’Emploi organisé en septembre dernier et réunissant plus de 30 entreprises en situation d’embauche a prouvé cette capacité du club à construire à 100 % des actions adaptées.  La deuxième édition est déjà programmée pour la rentrée 2022.
C.A.: Il y aura bientôt une nouvelle salle à Truchtersheim, qu’est-ce que cela va vous amener ?
– A.D.: Ce sera une salle d’entraînement, pas de compétition, pour répondre à la demande conjointe du collège et du club qui se trouvaient en manque d’infrastructures. Nous allons pouvoir continuer à accueillir le plus de jeunes possible, nous aurons aussi plus de créneaux d’entraînement et pourrons ouvrir de nouvelles formes de pratiques (handfit, hand à 4 … )
Cela devrait aussi nous permettre de pouvoir ouvrir une section sportive au collège qui pourrait être un réservoir du Pôle de Barr, mais aussi la base d’un futur centre de formation labellisé. Cela fait partie des étapes importantes.

“On peut faire beaucoup de choses avec de la bonne volonté, mais nous avons aussi besoin de l’engagement des acteurs économiques publics et privés”

C.A.: Le club a progressé sportivement, mais s’est aussi structuré depuis huit ans, en quoi est-ce important ?
– A.D.: Plus on ouvre de chantiers, plus le projet ATH se développe, plus on a besoin de ressources humaines et de compétences pour y répondre. Nous sommes une grande association avec presque soixante bénévoles et huit salariés hors joueuses, l’important est de parvenir à créer une alchimie avec tout le monde.
On se structure parce que nous avons envie de faire les choses bien. Il n’y a pas de haut niveau sans ce mélange entre un bénévolat fort et une certaine expertise professionnelle. Cela nous permet d’avoir et de garder un temps d’avance, ce qui n’est pas simple, mais tellement nécessaire dans notre milieu ultra concurrentiel.
C.A.: Quels vont être les gros enjeux pour l’avenir ?
– A.D.: D’abord des enjeux de financement et de pérennisation de tout ce que nous avons mis en place. On peut faire beaucoup de choses avec de la bonne volonté, mais nous avons aussi besoin de l’engagement des acteurs économiques publics et privés.
Nous avons un point de vigilance fort sur la gouvernance de notre club. Beaucoup font le choix de la séparation entre la partie élite et associative, c’est un sujet important qui commence à susciter des questionnements chez nous.
Nous devons enfin renforcer la reconnaissance de notre rôle de club formateur tout en continuant à agir pour l’éducation des jeunes. Confier un jeune à l’ATH, c’est aussi l’assurance d’aborder des valeurs fortes. Aucune association n’a lieu d’être sans ce rôle éducatif. Pour crédibiliser cette filière de formation, la création et la labellisation d’un centre de formation est une étape nécessaire.
Un enjeu plus général est aussi l’avenir du sport en France après 2024, parvenir à créer une cause nationale, crédibiliser les acteurs sportifs. Et donc l’ATH! L’émergence de structures performantes et des sportives et sportifs inspirants est nécessaire pour tous!